Le 居合道 iaido est la voie du iai. Comme expliqué dans la page sémantique, ce terme Iai désigne les techniques permettant de dégainer le sabre et couper dans un seul et même mouvement (cf la page sémantique). Des techniques assez spécifiques au 日本刀 nihonto (le sabre japonais, souvent appelé katana) que l’on doit à sa forme courbe, sa longueur modérée (pour une arme à 2 mains), la façon dont il est porté (à horizontal, tranchant vers le haut) et la mobilité de la 鞘 saya (fourreau) dans le 帯 obi (ceinture).
De par l’utilisation d’un sabre, il ne peut avoir d’affrontement réel. Le combat en iaido se fait individuellement contre un ou plusieurs adversaires imaginaires sous la forme de 型 kata (forme).
Tout est dit dans ces quelques lignes, mais résumer le iaido à cela serait aussi très incomplet car il s'agit d'un 道 do (voie). Le iaido est donc aussi une pratique d'une réelle richesse et d'une grande profondeur qui présentent des aspects variés :
Tout cela ne doit pas intimider les curieux qui souhaiteraient s'y aventurer. Les aspects matériels et techniques sont les premiers abordés et occuperont de longues heures d'entraînement. Les aspects plus profonds, mais aussi bien d'autres, viendront naturellement et très progressivement, enrichir la pratique et la compréhension de la discipline.
Il est à noter que l'art du sabre se décline de plusieurs manières, le iaido étant l'une d'entre elles. Les différences entre d'autres pratiques sont présentées en conclusion de cette page.
La première chose que l'on voit sur un pratiquant de iaido, c'est le sabre et la tenue. Ces éléments sont évoqués plus en détails dans la page sur le matériel.
Le iaido est en effet un art martial qui se pratique réellement avec un sabre. Si ce sabre est généralement un 居合刀 iaito (un sabre non tranchant), un pratiquant plus avancé pourra travailler avec un 真剣 shinken (un véritable sabre japonais). Quant à la tenue, elle est composée d'un 着 gi (veste d'entraînement), d'un 袴 hakama (pantalon très ample) et d'un 帯 obi (la ceinture).
Le iaido est une pratique qui présente un certain esthétisme où tout est fluide et semble naturel. A haut niveau, il se dégage aussi une réelle présence et une énergie que retranscrivent mal les vidéos. Exemple avec cette belle prestation de Junichi Kusama sensei (8e dan hanshi) :
C'est pourtant un art martial qui ne nécessite pas de force, dans lequel il ne faut pas utiliser de force (un sabre coupe naturellement lorsqu'il est manié correctement.) Le iaido peut
être donc pratiqué jusqu'à un âge avancé. Quant à la beauté, bien que réelle, elle est nullement un but en soi mais le résultat d’une maîtrise et d’une compréhension de tous les aspects de la
pratique. Dans les arts martiaux, le geste beau est un geste vrai, juste, efficace.
Un autre aspect du iaido est un côté cérémonial voir une certaine austérité. Les saluts, le positionnement, la façon de se tenir font l'objet de règles strictes qui sont évoquées dans la page sur l'étiquette et la page sur le dojo. Des éléments nécessaires par l'état d'esprit et le cadre qu'ils fournissent à la pratique. Ils sont aussi garants de la sécurité lorsque que l'on pratique avec des sabres.
La possibilité de pratiquer avec un sabre, l'esthétisme ou l'ambiance japonaise de l'ensemble est certainement ce qui attire en premier lieu nombre de pratiquants vers le iaido. Mais s'il n'y avait que cela, il est tout aussi certain que peu de personnes resteraient !
Le iaido se pratique sous la forme de 型 kata (forme). Un kata est une suite de gestes codifiés en réponse à un scénario défini, c’est le principe du le 理合 ri-ai (logique de l’affrontement). En iaido, les adversaires, leur position, leur attaque et la réponse à appliquer sont très précisément codifiés et il y a ri-ai lorsqu’un kata est exécuté de manière correcte et réaliste.
Il est possible de décomposer un kata en 4 grandes étapes mais de nombreuses variantes sont possibles :
Il existe en effet une très grande richesse de gestes réalisés :
Cette sophistication tire son origine dans le besoin de répondre à des attaques survenant dans des situations variées. Comment parer un coup venant du haut, si l’on est debout ? Si l’on est assis ? Si l'adversaire est derrière ?
En iaido, les pratiquants travailleront les 12 kata communs du ZNKR, ainsi que des kata propres au koryû auquel est affilié le dojo. Par exemple, dans l'école Musôshinden Ryû, il y a 36 kata répartis en 3 séries de difficultés progressives.
L’apprentissage et la compréhension passe par une décomposition des mouvements en une succession de petites étapes. Concentré sur chacune des étapes, le rythme d’un débutant sera haché. Lorsque des automatismes et qu’une vision d’ensemble commencera à se former alors les enchaînements gagneront en fluidité. Mais rien n’est jamais acquis, et ce patient travail sera refait dès que des nouveaux éléments ou des corrections seront intégrés dans la pratique.
Une analogie (imparfaite car il s’agit de styles et non d’étapes) est possible avec le 書道 shodo (calligraphie). L’apprentissage commence avec le style 楷書 kaisho, style régulier où chaque élément d’un caractère peut être tracé indépendemment. Viendra ensuite le style 行書 gyosho, style semi-cursif où les éléments s'enchaînent et les caractères doivent être considéré dans leur ensemble. Et enfin le style 草書 sosho, épure extrême où, dans un seul et unique geste, le maître exprime désormais toute sa personnalité.
La vitesse viendra beaucoup plus tard, éventuellement, lorsque que tout sera maîtrisé et fluide. Mais que le rythme soit fluide, lent ou rapide, il ne doit pas être monotone. Certains mouvements doivent être rapides, exprimé avec de l'énergie, d’autres plus lentement avec dignité. Un kata possède aussi des respirations, pauses du geste mais non de l’esprit, durant lesquelles beaucoup de choses peuvent être exprimées comme le 攻め seme (la menace) ou le 残心 zanshin (la vigilance).
Enfin il y a le principe de 序破急 jo-ha-kyû (préparation, rupture, rapide) dont Claude Durix dit qu’il est « la règle d’or de la dramaturgie qu’il faut appliquer à ce drame qu’est un kata de iai » (Le sabre et la vie). Issu du théâtre japonais 能 nô, ce principe de jo-ha-kyû décrit une progressivité dans le rythme. Une accélération qui doit exister à la fois dans certains gestes mais aussi dans le kata lui-même.
L'ensemble des gestes pratiqués en iaido sont donc soumis à des règles très précises. Les déplacements, la posture, le regard, la respiration, la manière de s’asseoir ou de se lever, de sortir et de rengainer le sabre, la hauteur et les angles des coupes tout est défini et tout doit être parfaitement exécuté en accord avec les scénarios des kata.
Connaître l'infinité des détails est une chose, les appliquer naturellement sera un tout autre problème. Ogura Noboru sensei (8e dan hanshi) explique qu'il examine (en autre) tous les mouvements du sommet de la tête à l'extrémité de tous les doigts pour les hauts gradés.
Même en admettant qu'elle ne sera jamais atteinte, le iaido est une recherche constante de la perfection.
Mais malgré cette codification extrême, le résultat reste propre à chacun. En effet, une fois les bases acquises, il est demandé aux pratiquants de commencer à exprimer leur iai. Il est nécessaire de mettre une part de nous-même dans les interstices de ces kata, notre iai doit refléter notre personnalité profonde.
Ogura Noboru sensei parle de devoir insuffler la vie dans le iai :
居合に命を吹き込め (iai ni inochi wo fukikome)
Bien que les adversaires ne soient qu’une vue de l’esprit, un kata ne saurait se résumer à une simple danse parfaitement exécutée. Par son esprit (気 ki), sa volonté (心 kokoro), son regard (目付け metsuke), son attitude (攻め seme, 残心 zanshin), il faut parvenir à faire « exister » ces adversaires imaginaires (仮想敵 kasôteki) et réellement exprimer le combat. Il s’agit sans doute d’une des difficultés principales du iaido.
Il s’agit sans doute d’une des difficultés principales du iaido car cette expression réaliste d’un combat implique le principe du 不動心 fudoshin (l’esprit immuable à la fois libre de toute
fixation et toujours alerte) mais le iaido implique aussi une concentration extrême, d'abord pour appliquer avec rigueur et précision l’ensemble des points de détails, ensuite pour faire
exister les adversaires.
Kim Taylor sensei (7e dan kyoshi) parle même d'un 公案 kôan. Un kôan est un paradoxe dans la pensée bouddhique, il s'agit d'un exercice de
réflexion, un questionnement de sa compréhension des choses, permettant de parvenir à l’éveil. C’est à chacun de trouver une solution à ce paradoxe.
"Dans des kata individuels, vous apprenez rapidement les pas de danses et passez des années à les perfectionner. C'est la raison qui m'a fait débuter le iaido, une pratique dans laquelle je vous pouvais travailler ma posture sans la gène d'avoir quelqu'un suspendu à mon cou. Mais cette attention précise sur les détails entraîne nécessairement que vous passez à côté des principes fondamentaux du budo, l'un étant le fudoshin*. Comment pouvez apprendre à exprimer vos kata de iai, de karate ou d'aiki-jo avec un esprit immuable lorsque vous attachez cet esprit à l'ensemble des subtilités."
(extrait de Fudoshin 2: the koan of kata)
*Note : fudoshin = esprit immuable (imperturbable et sans fixation)
Lorsque l'on fait, le iaido nécessite donc de vider totalement son esprit pour exprimer ce fudoshin.. Lorsque l'on s'exerce, le iaido nécessite une attention totale dans chacun des détails pour s’améliorer et se corriger. Le pratiquant découvrira ainsi rapidement qu’il est impossible de faire autrement que d’être calme et entièrement disponible pour pratiquer correctement. Parfois comparé à une méditation en mouvement, le iaido est aussi l’art être en paix avec soi-même.
Otake Ristuke sensei de l’école Katori Shintô Ryû dit que :
"Si l’on commence à se battre, il faut gagner. Mais se battre n’est pas le but. L’art martial est l’art de la paix. L’art de la paix est le plus difficile. Il faut gagner sans se battre."
(extrait Yashima magasine n°5 / Les techniques divines de Katori)
2 principes sont en effet intrinsèquement associés au iaido :
• 鞘の内で勝つ saya no uchi de katsu (gagner dans le fourreau)
• 殺人刀活人剣 satsu jin tô katsu jin ken (sabre instrument de mort, épée instrument de vie)
Le premier est un principe que l’on retrouve sous de nombreuses formes. Dans son "Art de la guerre" le stratège chinois Sun Zi (6e siècle avant J.-C.) disait déjà que la
véritable victoire est de soumettre l'ennemi sans combat. En iaido, par son attitude et son esprit, il faut imaginer arriver à faire renoncer l’adversaire avant même de tirer le sabre.
Le deuxième principe est celui qui s’applique lorsque le sabre est tiré. Kishimoto Chihiro sensei (8e dan hanshi) l’explique de cette façon dans 居合道審査員の目 (regards de jury d’examen de iaido). Une traduction anglaise est proposée par la BKA, une traduction française est proposée par le club Busen Iaido :
« Le véritable objectif du iai est de laisser la vie à votre adversaire » et de conclure par « Chiburi et noto sont tous deux réalisés dans un effort pour se réconcilier avec votre adversaire. »
Il n’est plus question de se battre au sabre depuis longtemps, le iaido est une activité qui n’a aucune d’utilité concrète et qui ne consiste jamais qu’à couper du vide. Si le
iaido est infiniment plus difficile qu’il n’y parait, il est aussi beaucoup plus riche et intéressant que ce que l’on imagine.
Il est souvent dit que le iaido est l'art de trancher son égo. Au sens propre d'abord car, dans le scénario même des kata, les adversaires sont des créations de notre esprit à notre image. Au sens figuré aussi, car c’est une école de l’humilité de la patience et de la persévérance où le seul réel adversaire est soi-même. Un partenaire aussi, avec lequel il faudra apprendre à être en paix pour au final être en paix avec l’autre. Le iaido est une quête personnelle, une voie au sens le plus noble et le plus pur.
On peut lire parfois que le iaido aurait finalement pour seul but de nous rendre meilleurs. Peut être que cela est vrai après tout ?
Comme indiqué dans la sémantique, 居合 iai et 抜刀 battô (sortie du sabre) désignent similairement les techniques de sabre
pour dégainer-couper dans un même mouvement. Le 剣術 ken-jutsu (technique d’épée) est lui spécifiquement l’art du sabre en combat (sans la notion de dégainer).
En effet l’art du sabre japonais se décline de nombreuses manières et cette partie vise à en présenter les grandes lignes :
Loin d’être incompatibles, ces pratiques présentent d’abord des aspects différents de l’art du sabre. Elles sont complémentaires. Bien que cela ne soit pas une nécessité, il est souvent conseillé de pratiquer à la fois le iaido (pour l’utilisation du sabre) et le kendo (pour la compréhension des notions de distance, de temps ou la réalité d'une opposition). Souvent les clubs de iaido permettent aussi de réaliser quelques exercices de coupes (battôdô).
Dô 道signifie la voie, Jutsu 術 la technique. Les termes iai-jutsu ou battô-jutsu, ken-jutsu sont utilisés pour désigner les écoles qui souhaitent être fidèles à des enseignements plus traditionnels. Il s’agit de 古武道 kobudo (ancienne voie martiale), par opposition au 現代武道 gendaibudo (voie martiale contemporaine).
Elles avaient pour but de former des combattants, l'efficacité technique est donc la qualité première recherchée. Cependant il est certain qu'elles permettent tout autant un développement personnel. Réciproquement, la notion d'efficacité reste très présente par exemple dans la pratique des koryû en iaido et fait même partie des critères pour les plus hauts grades.
En revanche, contrairement au iaido, kendo ou battôdô, il n'y a pas de kata standardisé, ni de système officiel de grade et chaque école propose ainsi sa propre vision de la pratique du sabre (voire des sabres).
IAIDO
Issu du iaijutsu ou battôjutsu et, comme expliqué dans cette page, le iaido est donc l'art de dégainer le sabre. Il se pratique seul au sabre sous la forme de kata.
Un enseignement commun à tout les pratiquants existe avec la série de 12 kata ZNKR (iai de la fédération japonaise de kendo). Chaque dôjo pratique en complément un koryû (ancienne école).
KENDO
Le kendo derive lui du kenjutsu. Il se pratique en opposition à 2. Équipé de 竹刀 shinai (sabre souple en bambou) et 防具 bogu (l'armure), le vainqueur est celui
qui touche l’adversaire en certains points précis en premier.
Comme pour le judo, l’enseignement inclus aussi des kata standardisés (kendo no kata) qui se font au bokken (sabre en bois).
BATTODO
Le battôdo est l'art de la coupe. La pratique est donc centrée sur des kata de coupes effectués sur des nattes de pailles. Le terme de 試し切り tameshigiri (essai de coupe)
est parfois utilisé.
Similairement au iai, une série standardisée de kata existe (créée par le ZNBDR,
fédération japonaise de battôdo) et il existe aussi quelques koryû (ancienne école).