Les principes de l'école ont été influencés par son contexte historique mais aussi par l'approche philosophique de Yagyû Sekishusai Muneyoshi (1527-1606) et plus encore son fils Yagyû Munenori (1571-1646)*.
Pour de plus amples informations, se référer à l'onglet Histoire de l'école
Rappelons simplement que le koryu Shinkage naquit à la fin de l'époque Sengoku (1477-1573) et se développa ensuite à la période Edo (1600-1868) pour devenir l'école martiale officielle des Shôgun sous la direction de Iemitsu Tokugawa. Passant d'un pays en guerre constante à une stabilité politique, sociale et économique relative.
Les kata pratiqués prennent ainsi leur origine aussi bien sur des champs de bataille, dans des escarmouches que dans des rues ou encore dans des espaces intérieurs. Il est aisé d'imaginer que les types d'assaillants ainsi que les tenues (armure, vêtements légers...) étaient différents, initiant des contraintes de mouvements qui nécessitaient des techniques variées.
L'approche morale :
Yagyû Munenori avait élevé l'art de cette école vers une approche philosophique zen conduisant au concept de "Sabre de vie".
Le sabre n'intervenant alors que pour supprimer le mal* que pouvait causer un individu ou un groupe d'individus face à un ou plusieurs autres. Ainsi, "supprimer le mal, permettait de donner la vie". Le fait de donner la mort à une personne ou un groupe de personnes malveillantes, permettait d'offrir la vie à d'autres, opprimées, encore plus nombreuses.
* Aujourd'hui les notions de combats mortels n'ont plus lieu d'être et l'approche des kata permet un développement personnel sur le plan physique, mental et philosophique, selon ce que chacun recherche dans sa vie, car les principes sont applicables dans de nombreux domaines.
Il ressort donc, au travers de ce fait, une approche spécifique des kata. L'école Shinkage-ryû place le iaidoka dans une posture d'observation, d'analyse et de prise d'initiative dans un laps de temps très court. Il sera toujours placé en réaction à une offense, une provocation, une trahison ou un danger imminent.
L'école Shinkage-ryû est dite "de l'ombre" car elle réclame de se mouvoir et d'agir en fonction des actions ou des intentions de l'adversaire .
Laisser se découvrir l'adversaire :
L'initiative est souvent laissée à l'adversaire afin de le surprendre par une réaction soudaine. Il peut s'agir d'une esquive qui résultera sur une contre offensive. Ce peut être une parade qui déviera l'arme permettant, l'espace d'un instant, de créer une ouverture et d'effectuer une attaque toute aussi soudaine.
Surprendre l'adversaire :
Une autre approche des kata consiste à prendre l'initiative, sur l'initiative de l'adversaire. Pour cela, il faut parvenir à lire son intention et l'attaquer en devançant sa prise d'initiative. Cette soudaineté ne lui laissant pas la possibilité de modifier son action ni de s'adapter à votre propre attaque.
Dissuader l'adversaire :
D'autres kata mettent en scène une force de dissuasion et une menace suffisantes pour annihiler tout combat, pour dissuader l'assaillant de poursuivre son action sans avoir à combattre.
Le "non sabre" :
Il y a enfin le "non sabre", réservé aux maîtres et aux élèves les plus avancés dans la pratique qui consiste à subtiliser l'arme de l'adversaire durant son attaque pour le retourner contre lui-même.
Le "non sabre" ne peut être résumé uniquement au fait de vaincre par le biais de l'arme adverse. C'est aussi la faculté de répondre à une situation lorsque l'on ne possède pas d'arme, en tirant profit de son environnement direct. Enfin, le "non sabre", comme évoqué dans le paragraphe précédent, c'est aussi parvenir à ne pas avoir à combattre, à faire changer les intentions hostiles d'un individu sans aucune violence, mais par une présence et une assurance de tous les instants.
Dans l'esprit de feu Yagyû Munenori, ce ne doit être en aucun cas une démonstration de maîtrise technique, mais une action lucide et instinctive réclamée par un contexte singulier.
L'école Shinkage-ryû comme toutes les écoles anciennes (koryu) est ainsi une pratique vivante du iaido. L'histoire de chaque kata est immersive et permet une approche plus profonde et philosophique que le ZNKR iai (qui reste en soi une pratique universelle et obligatoire pour toute progression et évolution d'un iaidoka).
L'école est avant tout basée sur une transmission orale, depuis cinq siècles, et seule la pratique pourra réellement permettre d'apprécier toute l'ampleur et la richesse de ce koryu.
Jean-François Hervet sensei, pratiquant le kata "Sagari Fuji" du koryu Shinkage.